La gauche a-t-elle renoncé à la lutte des classes ?
Tribune publiée dans l'Humanité des débats du 1 septembre 2007.
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La question mérite d’être posée. D’autant que depuis la chute du mur de Berlin, s’est développée cette opinion, aujourd’hui relayée par un quarteron d’intellectuels et politiques convertis au libéralisme, que la crise du communisme et de la social démocratie appellent une modernisation de la gauche, qui dans les faits conduit à rompre avec le socialisme du 20ième siècle. Les évolutions des forces productives, la dilution de la classe ouvrière et les mutations d’un capitalisme maintenant globalisé viendraient appuyer ce point de vue. Nous serions entrés dans l’ère de la démocratie apaisée où la question des rapports sociaux au cœur de l’affrontement capital/travail, de la lutte des classes et du passage à une conscience de classe deviendraient secondaire.
Cette démarche pourtant conduit toute la gauche à l’impasse. La présidentielle en témoigne où Ségolène Royal, en refusant d’affronter le clivage gauche/droite a cédé idéologiquement à la droite, l’épaulant même dans son brouillage des repères. En se laissant entraîné dans un débat de « valeurs » la candidate PS a ainsi abandonné le seul terrain sur lequel historiquement s’est fait le rassemblement de la gauche, celui des rapports de force.
Car pour paraphraser Marx, s’il persiste une réalité « tantôt ouverte ou tantôt dissimulée » c’est bien justement la lutte des classes. La preuve par les 100 premiers jours du Président de la République et par la marche forcée qu’il nous impose pour accepter sa version française d’un capitalisme exacerbé. Entre un tête à tête avec Bush et une visite à l’université d’été du MEDEF, le chef de l’Etat ne se cache même plus pour prendre ses congés dans une location à 22.000 € la semaine ; offerte à titre gracieux par de richissimes amis, offrant une version restaurée de cette solidarité de classe de la bourgeoisie et du patronat que décrivait déjà Aragon dans son cycle du monde réel. Comme quoi si SARKO prétend incarner l’avenir, son programme, lui, est vieux comme l’exploitation !
Loin de se détourner du terrain de la lutte des classes, il appartient à la gauche de le réinvestir en assumant son héritage, en intégrant les réalités d’aujourd’hui, en abordant offensivement ce débat. Nous ne pouvons plus par exemple nous contenter de défendre l’emploi salarié, Il nous faut avancer sur la question du dépassement du salariat. Tant que le salariat existera, le capitalisme perdurera ; il est le lieu de l’extorsion de la plus value. L’appropriation sociale doit être désormais un objectif majeur pour la gauche de demain. C’est ainsi qu’elle sera à même d’ouvrir une perspective de changement radical, capable de dynamiser et fédérer le mouvement populaire. Il est bien entendu que le rassemblement des exploités doit désormais s’imaginer au niveau européen et mondial et plus largement, intégrer les nouvelles formes de lutte et de résistances, prendre en compte la crise du communisme et du mouvement progressiste dans la France et le monde d’aujourd’hui.
Pour nous militant-e-s communistes il nous faut encore être lucides sur le fait qu’il va nous falloir évoluer, que le PCF pour une large partie de l’opinion est lié à un modèle vécu aujourd’hui négativement, au point de masquer notre apport exceptionnel à la société française. A rester emprisonnés dans des ornières, nous passerions à côté de l’essentiel : être à même d’ouvrir la voie politique révolutionnaire de notre temps. C’est pourquoi, restons attentifs et ouverts aux réflexions et expériences en cours de refondation de la gauche; j’ai en tête plus particulièrement l’Allemagne et l’Italie. La lutte des classes reste le moteur de l’histoire : il appartient aux communistes et à tous les progressistes de reconstruire la gauche d’alternative à mettre à son service !