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Marie-Pierre Vieu
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20 septembre 2010

« Pour une Terre commune » d’André Chassaigne, sortira ce mardi 21 septembre aux Éditions Arcane 17

Couverture_chassaigne_pour_une_terre_communeQue peut-on dire de ce livre  dont j’ai été tout à la fois, l’une des premières lectrices et l’éditrice?

Que c’est un essai politique, qui avant d’être vu comme la mise en orbite du député communiste d’Auvergne, dans la perspective d’une « possible » investiture Front de gauche aux prochaines présidentielles, mérite d’être lu pour ce qu’il est : une formidable contribution au débat sur l’écologie qui dégageant la question, des champs faussement consensuels de l’éthique et de la morale, nous la restitue comme un vrai terrain d’affrontement politique moderne.

Le livre est une réflexion sur l’environnement, construite en douze chapitres.

Le premier intitulé un cheminement  vient retracer le parcours d’un militant et élu local qui va progressivement intégrer dans sa réflexion et sa démarche, la question écologique comme structurante de tout projet et perspective d’alternative, « appelant des réponses politiques inédites et de véritables choix de société » au même titre que le social ou l’Europe.  (p 10)

Il explicite une conversion qui n’a rien de circonstanciel, d’opportuniste ou d’aléatoire car s’intégrant presque naturellement dans un parcours de vie voué à l’humain.

C’est d’ailleurs par ce fil de l’humanité plus que de l’humanisme, que l’ex enfant d’une cité ouvrière va progressivement se tourner vers sa Terre. Et l’un des attraits majeurs de ce texte est bien d’être le récit de cette libération d’une culture productiviste qui trop longtemps a collé au mouvement communiste. Cela passe d’abord, nous livre André Chassaigne, par « la compréhension de ce que représentent les écosystèmes. C'est-à-dire le lien direct, connexion permanente, entre l’homme et son lieu de vie : le sol et le sous sol, la faune et la flore, l’air et l’eau. Cette harmonie à ne pas rompre.. » (p15).

Cette confession simple et modeste le conduit au chapitre suivant (Chapitre 2. Au départ de l’itinéraire les fondamentaux) à disséquer au scalpel la question du productivisme. Montrant que ce dernier est indissociablement lié à la libre entreprise et au capitalisme financier de par la recherche même d’accumulation des profits, il démystifie aussi l’histoire du mouvement ouvrier, celle singulière du PCF, qui dans le cadre de la lutte des classes et l’affrontement capital/ travail, a privilégié « l’amélioration des conditions de travail et de vies des travailleurs, la récupération partielle ou complète de la richesse produite, voire la maitrise des moyens de production » (p22) omettant de s’interroger sur le rapport homme/nature.

Cela amène t-il l’auteur à se faire chantre de la décroissance ? Il y pointe matière à réflexion « cette théorie déconstruit un  idéal de progrès qui serait une marche mécanique bénéfique des sciences et des technologies, et elle construit en contrepoint un mouvement collectif de responsabilités envers notre planète » (p 29) et à une analyse fine de notre société qui « met en évidence la complexité du capitalisme contemporain, où le salarié exploité devient son propre exploiteur quand il se change en consommateur » (p 29) mais André Chassaigne propose plus  qu’un simple renversement de cette situation.  « Alors que la critique du productivisme se base entre autre sur l’absence de tout automatisme entre un mode de production et une structure sociale, comment laisser penser que la décroissance générale pourrait mener mécaniquement à l’égalité et à un équilibre entre les hommes et la nature ? » : en bon dialecticien, il appelle à son dépassement et à l’engagement sur une autre voie.

Après un détour des plus politiques « pour déconstruire la méthode qui sert aujourd’hui à l’élaboration de la politique environnementale de notre pays » (Chapitre 3. L’esprit Grenelle ou la dérive démocratique) et ainsi démontrer comment la droite au pouvoir fait de l’environnement un ressort essentiel d’intégration à ses réformes et au libéralisme, cette voie alternative au capitalisme vert est explicitée dans le douzième et dernier chapitre, sous forme de concept.

Apparaît la terminologie de Terre commune, où tandis que l’adjectif commun porte en lui le caractère de bien universel au même titre que les services publics, la référence à la Terre vient en  échos « au concept phare de la pensée écolo anticapitaliste, l’idée de Terre mère ( Panchamama) chère à la culture amérindienne ». ( p 202). Face à la volonté affichée de faire de la pollution le nouveau marché juteux et « à fixer un prix à ce qui n’en a pas : la qualité de l’eau, la biodiversité, la qualité de l’air… » (p 26), ce concept jette les bases de nouveaux rapports de production, humains, culturels et sociaux pour gérer de manière équilibrée et démocratique notre planète.

Faisant le choix de l’alter-mondialisation et de l’internationaliste, André Chassaigne parle de « mutualiser ce bien commun sous tous ces aspects, s’organiser et coopérer pour conduire l’exploitation équilibrée des ressources indispensables à la satisfaction de leurs besoins fondamentaux, tout en entretenant son capital sur la base de la reproduction des grands cycles naturels. » (p 203) ajoutant alors « Déterminer de façon collective l’avenir de la Terre, n’est ce pas là l’objet essentiel de la conscience de la Terre commune ? »

Le lecteur aurait tort de penser ici, que le livre se conclut, sur un registre d’incantation. L’élu est moins un visionnaire qu’un homme, solidement ancré sur son sol auvergnat,  et dont la conscience s’est développée sur le terrain de l’expérience. L’écrivain rappelle par moments le Jean Pierre Chabrol des « rebelles » Tant qu’au politique, il plaide pour une planification écologique immédiate pour allier « pérennité des ressources naturelles » et « accès raisonné afin de satisfaire les besoins humains les plus fondamentaux » (p 206). Un projet de loi allant dans ce sens a été déposé à l’Assemblée Nationale par le groupe PC/PG.

Entre ces trois chapitres qui servent de fondements  à l’essai,  les chapitres du 4ième au 10ième égrènent une à une,  les grandes questions structurantes du débat sur l’environnement : l’eau, l’énergie, le recyclage des déchets, la faim, l’urbanité, le rail, la biodiversité, les OGM et l’agriculture. Soulignons ici que le récit détaillé de l implication personnelle de « Dédé » pour imposer l’amendement 252 au projet de loi sur les OGM, le développement sur les agro-carburants et la destruction des agricultures locales, celui plaidant pour une nouvelle agriculture sont de mon point de vue, particulièrement réussis car illustrant formidablement le caractère insupportable du système qui domine le monde.

« Offrons le globe aux enfants au moins une journée » écrit le poète turc Nazim Hikmet, « ils prendront de nos mains le globe et y planteront des arbres immortels ».

C’est ainsi, d’une nouvelle appropriation de la Terre, à mille lieux des espaces tarifées, que nous parle Chassaigne.. Et nous lui en sommes gratifiants ! Pourvu que ce livre et que la dynamique qu’il génère soit mise au service, et sans volonté hégémonique, de la construction de « cet autre bien commun » qu’est le Front de gauche. Mais là, ce n’est déjà plus l’éditrice qui s’exprime…

Le catalogue d'Arcane 17

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Marie-Pierre Vieu
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