"C'est bien de vous entendre rire » nous dit une dame qui s'arrête pour prendre le quatre pages que je lui tends sur le marché de Tarbes. Elle pose son panier et se met spontanément à me parler de son fils, architecte à Paris, dans le 11ième arrondissement. Elle évoque ses petits enfants, encore si jeunes...
Même si elle ne les a pas vus depuis les attentats, elle sent dans le ton et les mots qu'ils emploient au téléphone que quelque chose a changé. Cela la préoccupe au plus haut point, car elle même refuse de s'engager sur cette voie sécuritaire qu'elle a très bien identifiée.

Elle me demande ce que j'en pense. Le débat sur l'après 13 novembre débute ainsi devant l'étal 36, en ce premier matin froid de novembre. Dans ce que je lui réponds, il y a le fait que l'on ne peut opposer la sécurité des populations au droit d'expression, aux libertés individuelles comme collectives. Que je refuse une unité nationale construite sur l'unanimisme, au mépris même du pacte social.

Je suis tombée sur une interview audio de Nicolas Hénin ex journaliste en Syrie et ex otage de Daech. Il a fini de me persuader l'impasse de combattre Daech en rentrant dans sa logique de guerre, de négation du débat democratique et de destruction de tout ce qui fait la condition humaine. Le terrorisme ne peut être justifié, il est injustifiable, car il est la négation de toute existence. Mais comment le vaincre si nous même nous n'agissons pas au niveau de l humanité que nous voulons construire?

L'intervention militaire en Syrie, la frappe des populations comme les EU ont frappé l'Irak après les attentats de 2001, reproduit cet engrenage qui a fait l'émergence de l’État islamiste. Qu'en sera-t-il demain si le pouvoir ne retient que cette piste belliciste au mépris des institutions et du droit international, de la traque et de la lutte contre les circuits de financement de Daech?

Quant à la prorogation de l État d urgence, elle porte en plus cette idée que la sécurité intérieure justifierait l'interdiction des mobilisations sociales culturelles, le lissage du débat politique et d'idées, comme si la pluralité d'opinions et la confrontation étaient en soi porteuses de danger. Combien de manifestations interdites ces huit derniers jours jusqu à prohiber les initiatives autour de la COP 21? Quels gages d efficacité?

Au bout de cela on entrevoit la volonté de ne laisser dans la grille de lecture du grand public que la peur et le renoncement. C'est cette marche forcée à l'immobilisme qui est insupportable alors que tout appelle au contraire à la rupture et au changement. C'est cela que nous ne pouvons accepter.

Le gouvernement n'est pas responsable du 13 novembre, il n était pas responsable des attentats de Jjanvier mais il est garant de ce qui va devenir de notre société, de l'organisation des rapports sociaux. Le pacte de sécurité ne peut signifier l'effacement des questions d'égalité et de liberté. Il ne peut non plus être le moyen détourné de nous infliger un tour de vis de plus sur l'austérité, les dérives libérales et de la mise en concurrence.

Ces derniers jours ont été ceux du débat d'orientation budgétaire 2016 de l'agglomération tarbaise, le Grand Tarbes et de la nouvelle organisation intercommunale. La séance a donné lieu à un moment d'émotion et de recueil collectif. Nécessaire.

Et derrière?  La concience partagée d'être confrontés au même péril a-t-elle conduit à un debat de fond, ouvert et public pour décider comment concrètement nous allions répondre aux besoins de nos populations, là dans la proximité?

Zéro. Rien. Une indigence qui me met hors de moi: les mêmes arbitrages, les mêmes choix, les mêmes justifications et lamentos (on ne peut pas mais on peut pour certains, on va se regrouper pour perdre moins...) conduisant aux mêmes amputations sur les budgets du social de la politique, de la ville du logement, de l éducation populaire et de la culture des agents et politiques territoriales, de l'égalité...

Comment après le 13, peut-on encore se prévaloir de la sécurité des populations et aborder l'organisation territoriale sous le seul angle de la compétitivité et de la réduction des dépenses publiques?

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Comment peut-on encore comme le 1er Ministre Valls "crâner" en disant que le plus dur est devant nous, quand il est avéré que la remise en cause du droit à la connaissance, à la solidarité et la fraternité, à  l'environnement, une citoyenneté pleine et entière sont les pires bombes à retardement pour toute société?

LA VIE ET RIEN D AUTRE.

La vie et le mouvement, ils sont là sous nos yeux à Montauban et cela fait du bien! 20H 30, ce mardi 24 et la réunion publique va commencer.

Serge Regourd tête de liste départemental ouvre le bal. L universitaire toulousain est doublement ému car cette élection marque son entrée en politique, que ce soir il accueille et apporte le soutien de la liste "Nouveau Monde en commun" aux salariés de la clinique du Pont de Chaumes.

Le délégué CGT de l'établissement  sourit et prend le micro pour nous dire quelques mots, entouré de ses collègues venus en nombre. Il a les traits tirés de celui qui en est à son 35ieme jour de grève, et est las d'être méprisé par tous, à commencer par la direction de sa clinique qui a décidé de faire un exemple avec ce conflit, et de ne rien cèder aux salariés sous peine d ouvrir "la boîte de pandore".

Le secteur privé ne lésine plus sur le droit du travail. D'ailleurs pourquoi le ferait il puisque côté pouvoirs publics on adopte la même attitude: refus de l'ARS de recevoir les grévistes, silence assourdissant des parlementaires PS et PRG, de la droite.

Cela n empêche pas l'homme de nous dire tout l'amour de son métier et toute la souffrance engendrée par l'absence de moyens suffisants pour accueillir et protéger les malades, son opposition à une médecine lucrative qui condamne cette infirmière à ne pouvoir prendre le temps nécessaire pour l'escarre de son patient, son tourment et sa culpabilité de ne pas soigner comme elle devrait le faire... et au bout, le choix de la lutte car il est des choses sur lesquelles on peut capituler.

Dans quelques jours leur mobilisation va converger avec celle des soignants de l hôpital public de Montauban contre les conséquences de la loi Bachelot et de la T2A qui conduit au déserts médicaux dans les zones rurales de notre région, à discriminer désormais aux soins, hiérarchiser leur prise en compte et reléguer encore une fois une fois de plus une partie d entre nous au rang de populations de 2 ieme et 3ieme zones.

Ces salariés de la clinique du Pont de Chaumes pour la plupart des femmes, debout et déterminées, le meeting leur est dédiée. En fin de soirée la solidarité active s'organise: 2, 5, 10, 20, 50 euros des chèques et des sourires. Nous serons avec eux devant l'ARS.

Nous serons avec eux pendant la campagne et après. Un Conseil Régional même s'il ne pilote pas les politiques de santé est une institution qui peut se positionner face aux choix de l'ARS et de l'État en matière d'accès au soin, peser dans les rapports de force en donnant un poids institutionnel aux acteurs du secteur: personnels, comités d usager, syndicats. L'égalité. Encore!

CAHORS HOSPITAL !

Il est 15h ce 25 novembre. Avec Gérard Iragnes secrétaire départemental PCF du Lot et Marie Piqué tête de liste "Nouveau Monde en commun" dans le département, nous franchissons la porte de l'hôpital public de Cahors. Rendez-vous a été pris avec "les filles" de la CGT. Elles nous accueillent dans un local surchauffé et la discussion débute autour d un café. Tout y passe: leur fatigue et souffrance au travail parce que le temps les moyens manquent et que l'on n est plus ni respecté ni entendu; l'incertitude quant à l'avenir même de l établissement (fusion ou pas avec Montauban), de la profession, des jeunes qui arrivent et qu on flexibilise à outrance jusqu'à ce qu'ils cèdent et partent; la sensation que le débat leur échappe et échappe à tous alors même que les besoins eux augmentent.... 

Mais encore une fois derrière le ras le bol collectif la colère, on sent toujours intacte l'exigence vis à vis d'un travail qu'elles continuent envers et contre tout à aimer et à valoir bien faire. Parce que face à elles, il y a des femmes et des hommes qu'on ne peut lâcher. Service public...

Avec elles nous parlons de la lutte de la clinique du Pont de Chaumes à laquelle elles ont apporté leur soutien, des perspectives que nous pouvons ouvrir: elles par la mobilisation sociale et la revendication, nous en relayant leurs exigences les légitimant au sein de l'assemblée regionale. En faisant bouger les rapports de force, toujours.

Belle après midi.