Les week end d Avril ne sont jamais rieurs. Bloqués entre fins d'hiver et prémisses de printemps, suffisamment ensoleillés pour tenter quelques escapade, mais à la météo trop volatile pour les réaliser, ils me laissent toujours un sentiment mitigé...
Cette année n'a pas failli à la règle, ce début semaine étant en plus ponctué d'un deuil.
La disparition de Paul Ardouin m’a d'autant plus touchée qu'à force de le voir traverser les années et les décennies, avec sa force de paysan Tarn et garonnais, sa gentillesse et sa modestie de toujours, je l’avais crû indéracinable.
En octobre 2011 Arcane avait publié ses « Carnets de mémoires et de luttes » qui étaient rapidement devenu un succès de librairie en Midi Pyrénées dont la Dépêche du Midi s'était fait l'écho. Paul était ce que l'on appelle une figure du monde paysan dont tout le parcours de vie attestait de l'humanité. Son livre n'avait fait que révéler cela au grand jour.
Il s'y était attelé avec la minutie et la constance de celui qui sait que rien ne naît et ne grandit sans un labeur de tous les instants. Ainsi page après page, chapitre après chapitre, il avait construit un récit, mi journal de bord d'une existence vouée à l'agriculture, mi cahier de doléances et d'espoirs ; l'homme d'Escalens y égrenait ses combats avec la constance de celui qui connaît et vit de la terre, du paysan qu'il restait à plus de 90 ans. Tout y était noté de l'évolution du prix du blé à la structuration du monde paysan de l'après guerre et la bataille pour les retraites agricoles, en passant par ses quinze ans en 36, mai 68, la victoire en trompe l'oeil de 1981 et la PAC contre laquelle le responsable MODEF n'avait jamais cessé de lutter.
Communiste, il l'avait aussi été toute son existence, et il identifiait cet engagement à la lutte contre l'exploitation qui lui était chevillée au corps. Militant il n'avait jamais cessé de l'être, encore présent il y a trois ans dans les allées de la fête de l'Huma ou sur les ventes fruits et légumes dans les quartiers populaires.
Au printemps 2015, il était là lors de la venue de Pierre Laurent dans le Tarn et Garonne alors nous avions décidé de faire escale dans une ferme bio où nous attendaient nombre de militants du MODEF et de la Confédération Paysanne. Nous préparions alors les élections régionales et étions en train de travailler à des listes de rassemblement FdG/EELV et citoyens… Le projet ne lui posait aucun problème de fond si le contenu était là. Il savait mieux que personne ce que signifiait le capitalisme en matière agricole: son non sens productif, les dégâts écologiques qu'il générait... Mais alors que l'échange s'était engagé sur Sivens et les retenues d'eau, d'un ton ne laissant aucune place à la contestation il nous rappela que cette mobilisation immédiate ne pouvait être isolée de celle du devenir des agriculteurs en terme salarial, de pensions et d'accès aux mutuelles rappelant encore la nécessité de l'unité du combat paysan...
Je savais que Paul après avoir perdu sa femme avait dû également affronter la mort de son fils. Désormais il prenait soin de sa petite fille. Il n'était pas seul, car les camarades devenus des amis au fils des ans, l'entouraient de leur tendresse et amitié: Jöelle et André Greder, Alain Raynal journaliste à l Humanité bien sûr, qui l'avait accompagné durant la rédaction de son livre.
" Chaque homme est un centre du monde" écrivait le poète occitan Félix Castan, un autre tarn et garonnais, camarade de Paul. Il ne fait aucun doute qu’il nous manquera.