J’ai soutenu la perspective d’une primaire de gauche. Avec des réserves certes, quant à la possible dérive présidentialiste. Mais cette perspective de primaires m'est apparue comme un moyen de s'offrir une bouffée d'oxygène: de freiner l'atomisation de la gauche qui a soldé l’année 2015, et de remettre en mouvement des forces dont le rassemblement sera déterminant face à la progression du FN, son gain d’implantations et de positions locales, comme face à celui d'une droite extrémisée. Cette primaire m'a semblé une possibilité d'occuper le terrain du débat politique, de lutter contre le repli sur soi et une radicalisation stérile qui sont autant d’impasses face à la dureté de la situation.
Les élections régionales de décembre dernier et la démarche de rassemblement que nous avons initiée en Midi Pyrénées Languedoc Roussillon, avec l’ensemble des forces du FdG, d'EELV, des occitanistes, d’ex-socialistes, des collectifs locaux de citoyens, au travers de la liste "Un nouveau monde en commun" ont constitué pour moi une expérience ressource. Même avec les difficultés qu’elle n’a pas manqué de générer. Ce rassemblement a su porter un discours ouvert sur le monde, faisant sien la lutte pour les droits sociaux et humains, un mode de développement écologique. Ce parti pris fondé sur une unité citoyenne et politique a constitué un îlot de résistance face à la vague régressive et sécuritaire de l'après 13 novembre. Il a permis la victoire sur une extrême droite galvanisée par son score de premier tour, puis la constitution d'une majorité régionale de gauche de nouveau type, dont je regarde avec intérêt la mise en oeuvre des premières décisions.
Pour 2017, je me suis fixée comme hypothèse de départ le fait de pas être en deçà de cette expérience, en terme d’ambition de rassemblement, comme d’exigences. L’opposition résolue des communistes comme de l’ensemble des forces du Front de gauche aux choix du gouvernement Valls n’a pas suffi à nous installer en situation de leadership. Mais elle a rehaussé l’urgence pour nous de porter une ambition majoritaire pour la gauche. Pas seulement en matière de stratégie électorale, mais dans la recherche de convergences pour rendre incontournables dans l'opinion publique des idées et des projets, nous intimant de produire les bons gestes et comportements pour faire du commun.
Il n'est pas de raccourci possible dans la construction populaire et citoyenne, car il n y a pas de raccourci possible avec les questions de démocratie et d'unité politique et sociale, toutes deux indispensables à l émergence de toute dynamique de transformation.
C’est pourquoi d’ailleurs la mise en campagne de Jean Luc Mélenchon ne me convient pas. Je ne partage pas sa démarche d'une candidature faisant sciemment l'impasse sur ces deux questions en même temps que sur celle plus globale de la gauche. Je vis cet impasse comme un reniement de tout ce que nous avons essayé de construire avec le Front de Gauche.
Aujourd’hui où en sommes nous du débat dans le pays?
Actons au moins deux points positifs.
La forte mobilisation contre la loi El Khomri d'abord, car elle remet en selle la question du travail au moment même où le pouvoir entendait installer le débat public dans l'inflation sécuritaire. Elle restaure la question syndicale, donne un statut social à la jeunesse posant l’urgence de son devenir immédiat dans une France qui a banalisé sa mal vie et sa précarité. En quelques semaines et manifestations la solidarité fait son retour tout comme une série de revendications que le pouvoir s’était pourtant échiné à tenter de rendre caduques. S’il est des obsolescences, elles se situent désormais à Bercy, Matignon, l'Elysée et une série d'avenues et rues auréolées de Ministeres nous administrant quotidiennement leur dose de régression. Disant cela, je suis très consciente des difficultés posées au mouvement à commencer par sa difficulté à trouver un débouché politique. Mais considérons que ce mouvement s’invite au bon moment pour rappeler l'importance de la question sociale dans la définition de toute perspective.
Il en va de même avec ces "nuits debout" qui sont en train d'essaimer dans tout le pays. Je ne chercherai pas à faire entrer ce mouvement naissant dans un quelconque schéma de pensée ou cadre structuré. Il se définit bien lui même: il est citoyen. Revigorant aussi, car quel plus beau symbole que l'occupation d une place publique pour mener et continuer le débat? Aujourd'hui surtout,où l'État d’urgence qui nous est imposé se propose de le suspendre comme vient de nous rappeler François Fillon son ouverture d’esprit ! "Et si en d autres termes, la gauche sociale faisait l impasse sur cette élection bonapartiste ( la Présidentielle de 2017) qu’elle n’a aucune chance de gagner ? Et si elle ignorait ce leurre démocratique pour travailler à la rénovation de ses idées et revoir sa manière de faire de la politique ? C est ici que Nuit debout peut aider à une recomposition aussi nécessaire qu ‘névitable." écrit le politologue Philippe Marlière. Ce constat que l'on peut trouver féroce, je ne suis pas loin de le partager tant il corrobore une réalité: celle d’un enlisement démocratique et d’une panne qui en l'état, ne trouve pas de remède. Sauf à une automédication, qui de l'austérité aux Panama Papers, se pratique hors champs institutionnels quand ce n'est pas contre.
Raison de plus, pour doter d'une boussole et d'une vraie colonne vertébrale notre ambition politique.
Trouver le chemin d une vraie unité
Peu habituée à corroborer les propos de Daniel Cohn Bendit, comme lui je pense pourtant que "Le climat politico-culturel rend infaisable" 'une primaire des gauches et des écologistes. Je ne la crois pas non plus souhaitable.
Il n’en va ni de la seule personne d Hollande, ni du fait qu’il existerait deux gauches irréconciliables, ni même d un excès de "conservatisme" militant, mais juste de la nécessité d’intégrer dans notre logiciel, le fait qu’on ne peut décemment construire un processus commun de refondation de la gauche, avec les premiers responsables de sa division et de l'état d’urgence social et intellectuel de notre pays. Confèrent Elkhomri, la déchéance les migrants, les violences policières, la répression syndicale, le pacte de compétitivité et les saccages humains qui en résultent.
J' ai lu sur le site du Journal Du Dimanche, l'appel co-signé par deux de mes camarades, des responsables d’EELV, de Nouvelle Donne, des frondeurs du PS pour engager des primaires d’idées. J'ai également pris acte de la position des verts réunis en Conseil fédéral et déclarant, "nous ne pourrons pas soutenir un candidat qui représente les idées que nous combattons". J’ai vu l'unanimité forcée du Conseil national du PS quant à l’organisation d' "une primaire citoyenne sans préalable et sans préjugé, rassemblant toutes les gauches". J’ai lu la tribune dans Le Monde du parlementaire frondeur Christian Paul où déclare-t- il "Oser les primaires à gauche c’est poser la première pierre de la prochaine gauche" appelant chacun "à prendre ses responsabilités et ne pas se défiler"
Tout cela à l'arrivée est bien confus et souvent dissonant. Il n'est rien de pire que les non dits ou les mal dit, pour alimenter toutes les spéculations et générer l'inertie au moment même où il est besoin de mettre toutes nos forces militantes en mouvement.
Il est urgent d'entrer dans une discussion de fond, à partir de là de bâtir l'unité la plus large. Pour moi:
- Nous ne pouvons pas nous contenter de la situation actuelle à gauche: ses trois candidatures déclarées (Artaud, Poutou et Mélenchon), un pouvoir occupé par sa seule survivance et prêt en finir avec son camp historique pour y parvenir, une majorité de militants désoeuvrés et un débat public s'auto-alimentant sur le seul mode de postures.
- Il nous faut prendre le parti pris d’un processus de refondation de la gauche, dont 2017 soit la première étape de construction. Une étape qui pose des jalons pour la suite.
- Ce processus de construction citoyenne et politique ne peut s' inscrire dans la continuité, mais doit explicitement se définir en rupture avec la politique menée ces 5 dernières années. Cela nous conduira sinon, à justifier la recomposition libérale en cours. A la défaite électorale que nous essuierons à coup sûr avec un tel scénario, s’ajoutera la défaite politique de ceux qui ont hypothéqué la possible renaissance d’un espoir partagé.
- Il nous appartient sur ces bases de nous mettre au service d'un débat populaire visant au rassemblement le plus large, de citoyens, acteurs sociaux militants de gauche et écologistes, forces politiques sociales et citoyennes partageant dans ces objectifs.
Il s' agira dans ce débat, d' établir une plate forme commune, dressant l'inventaire du dernier quinquennat et sachant revenir et défaire les lois et les orientations néfastes. Pour ne citer par ex que la loi travail, le pacte de compétitivité ou la réorganisation territoriale...
Nous devrons plus largement travailler à des propositions pour construire des politiques répondant aux exigences de la société. Je pense à l’urgence de sortir l horizon européen de la seule logique de marchés financiers, au traitement de la dette et à la construction d'une fiscalité juste, à la sécurisation des parcours professionnels et de vie, à l'émergence d'une République citoyenne, à la priorité assumée d'un mode de développement social et écologique, au respect et à l égalité des droits...
C'est sur ces bases qu'une candidature commune, respectueuse de tous et fédérant les énergies sera désignée. Démocratiquement.
Je ne crois pas que les discussions menées ces derniers mois ont été vaines. Le débat a évolué à gauche. Il est besoin de temps pour créer les conditions d'un rassemblement. Nous ne sommes pas au bout de cet effort là d’ailleurs, et des nécessaires convergences à gauche. Mais il est aussi besoin aujourd'hui de se fixer une direction claire; de repartir de ce qui s'exprime aujourd’hui, du potentiel transformateur des mobilisations pour oeuvrer à la reconstruction d un vrai processus citoyen et transformateur.
J’attends du PCF qu’il s’y engage avec toute sa détermination et son savoir faire.